Le paradis de Nelly Arcan

Publié le par Lucie Delarosbil

Depuis son suicide, je ne cesse de penser à ce que je désire dire d'elle. Je n'arrive pas à me lancer car la peur me submerge dans ses vagues d'incertitude. La page blanche. Les sujets tabous. La femme controversée. 

Cela m'a pris du temps avant de me décider à lire Putain. Les titres des livres m'attirent, ou pas du tout, comme bien du monde, les apparences. Parfois, ils m'attendent et je les reconnais. Parfois, ils me rejettent et je lève le coeur. Celui-là m'avait fait hésiter longtemps avant que je me décide. Quelques années. Quand je l'ai fait, lorsque j'ai plongé dans cette lecture jusqu'à la fin, sans cesse, sans repos, j'ai accouru pour la suite, pour son roman suivant, Folle, toute conforme à l'obsédée de lecture que je suis. 

Je n'ai pas encore lu À ciel ouvert. Pourtant, depuis sa mort, je l'ai cherché. À la place, j'ai trouvé L'enfant dans le miroir, que j'ai lu lentement, le temps d'un café dans un centre commercial, le lendemain de la triste annonce. Ce fut une lecture très brève. 

Voici une anecdote. Celui que j'attendais sans trop d'impatience m'est apparu avant-hier comme un coup du destin. Une avance sur le temps, me semblait-il. Les Paradis, clé en main campaient en une pile sur le comptoir près de la caisse. Presque une heure que je tournais en rond dans la librairie sans rien qui ne vaille la peine ! À la caissière qui vint à moi, je dis : « C'est le dernier roman de Nelly Arcan ! Il est paru ? Il est juste là le livre que je veux. Ça fait une heure que je cherche. » Elle me répondit : « Il n'est pas encore sur les tablettes. Il vous attendait... » 

Quelle fine écriture ! Quelle qualité littéraire ! Quelle imagination incroyable ! 

Maintenant que j'ai dévoré en quelques heures son roman posthume, la bravoure me tire par le bras et me jette dans les méandres de l'écriture, ranimant ainsi ma flamme intuitive, ma confiance éternelle. Pendant qu'elle achevait son dernier roman et qu'elle se préparait à quitter sa vie sur terre, j'écrivais de petites pauses poétiques pour ne pas perdre le fil de la mienne. Je savais que Nelly Arcan avait vécu l'enfer des détresses. Malgré tout, elle se présentait avec classe dans les médias. Noble dans son coeur sensible. Intègre.

Ce que j'éprouve pour elle : une admiration pour la femme entière qu'elle représente. Émotive et réfléchie. Spirituelle. Jeune écrivaine et philosophe naturelle, elle garde sa beauté et son intelligence au-delà de la vie et dans mon coeur. Son suicide fut un choc pour moi, pas une surprise. Je me demande à l'instant si elle connaissait la nouvelle littéraire de Bernard Drupt, « Son dernier roman », une histoire de romancier qui orchestre son suicide spectaculaire. 

© Lucie Delarosbil, 2009

Publié dans Éloges, Livres, Suicide

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