La mère du fils-escargot
Anna et l'enfant-vieillard... C'est tout l'amour d'une mère qui se déroule dans ce livre de vérité brute. C'est tout l'amour d'une mère qui voit le cours des années, comme un fil barbelé, détruire depuis vingt-cinq ans son enfant. À grande eau... À petit feu...
Au départ, c'était un accident, une terrible agression. Puis... Un long et lent naufrage précipite le jeune adulte dans les méandres des noirs silences et des absences délirantes, pendant que les nombreuses privations consument la mère dans des attentes déchirantes et des bouffées d'espoirs déçues.
C'est un récit des conséquences de la dépendance à la drogue dure, celle qui conduit l'un à survivre dans la rigueur de l'itinérance et qui oblige l'autre à endurer la rudesse de l'inquiétude. L'un et l'autre, toujours, ici et là, hier et maintenant, dans un ailleurs incertain et incessant. Une course contre la montre, une question pure de vie et de mort.
La tristesse de la première page remplit le coeur de larmes et le vide à la vitesse d'une tempête de soubresauts. Chacune des larmes sort de son origine, monte vers la tête éclatée, atteint les yeux et coule sur le visage endolori. Inondation. On se demande : Est-ce que la suite sera de même ? Est-ce qu'on réussira à suivre le calvaire de la mère avec du fil à retordre ? On verra.
Douceur des paroles maternelles. Consolation. Les plus beaux souvenirs feront découvrir peu à peu une multitude d'éclairs qui fragmentent un fond de ténèbres. À 3 ans, jouant sur le sable avec un escargot, le fils disait à sa mère : ''Il a un long chemin a faire. Si je l'aide, il va être moins fatigué.'' À 6 ans, ayant observé à la télévision des sables mouvants engloutir des hommes, il lui avait dit : ''Ça doit être terrible, hein, maman, de se trouver dans des sables émouvants...'' Oui, ce sera des souvenirs mouvants, très émouvants ! Et on l'accompagnera dans la mouvance.
La mère aura ainsi besoin de plonger dans le passé lointain de son fils avec elle, quand il était un enfant à tous les âges, avec la vie devant lui et son hypersensibilité à la misère des autres. Il lui faudra trouver la faille, comprendre l'intolérable, enfiler le fil, adoucir le lien, alors que le passé récent jouera à la torture, en aller et en retour, avec le présent... ''Comme si de rien n'était.''
On lira les conseils des autres, l'impuissance à laquelle la mère ne peut pas, ne veut pas se soumettre, son ambivalence entre continuer et abandonner, sa volonté de sauver à tout prix son fils qui se pose en danger continuel. Et j'en passe. On lira tous les pourquoi qui font que ''la douleur est la seule présence de l'absent.''
© Lucie Delarosbil, 2020
Source : RUEL, Francine, Anna et l'enfants-vieillard, Libre-Expression, 2019, 200 p.