Un homme méchant

Publié le par Lucie Delarosbil

Un homme méchant, ça donne le goût d'mourir. Ça t'fait pleurer de peur, de peine. Ça crie quand tu fais pas c'que ça veut, comme ça veut, quand ça veut. Ça t'installe dans un cercle à ton insu. Vicieux. Insidieux. Tout c'que tu fais pose problème. Tout c'que tu dis est trop ou pas assez. Tu te tais ? Ça demande : « Tu files pas ? » Tu parles ? Ça te crie : « Farme ta maudite yeule pis va chier. » Tu l'aimes ? Ça s'en fout. Tu oses lui dire ? Ça répond bêtement : « Moé aussi. » Ça t'fait souffrir d'indifférence. Tu l'fuis ? Ça te harcèle. Tu n'en sors pas. 

Un homme méchant, ça pose des tas d'questions. À tout bout d'champ. Ça fait semblant d'douter d'toi. Pour écraser ta confiance, ton estime. Ça t'accuse de l'tromper, d'lui mentir. Ça t'condamne de tous les maux, de tous les vices. Ça t'exténue, ça t'fatigue, ça t'épuise de toutes les manières. Les armes manquent pas pour t'faire sentir son pouvoir : ça trompe, ça ment, ça trahit la femme en toi. Ça fait les choses en cachette. Tiens ! Ça t'traite comme une plus que tout, une reine, un objet de luxe. Puis ça s'tanne. Vite parfois. Parce que t'as pas joué l'jeu comme ça veut, la perfection qu'ça r'cherche : la femme inaccessible, impossible. Alors, ça t'traite comme une moins que rien, une putain, un objet à j'ter dans la poubelle. Tu sers plus à rien. Tu réponds plus à ses besoins ? Ça s'comble ailleurs. Comment ? Tu sais pas... mais tu sais. Tu sais aussi qu'ça t'aimera plus. Mais tellement plus ! qu'ça t'laisse même pas pour t'voir languir. Ça t'fait très mal, ça t'déchire. À tes enfants aussi. Parc'qu'les enfants... ils souffrent pas mal de voir leur mère qui dépérit. Ils gardent l'enfer tout en dedans, qui transparaît quand tu les aimes. 

Un homme méchant, ça comprend rien. Trop égoïste, égocentrique. Ça donne seulement pour recevoir. En double, en triple. Ça joue la comédie alors qu'tout est tragique. Pas capable de jouer l'grand jeu. Pas drôle pantoute. Troublant pas à peu près. Un amour non partagé. Qui disparaît puis qui revient les mains bien vides. Puis l'coeur très froid. Puis des paroles pas mal blessantes. Ou bien alors... un silence lourd, si lourd de haine. Le pire de tout : ça accepte pas... que t'es une femme... une différente. Et surtout pas indifférente. Ça te traite pire qu'les animaux. Ça a pas d'remords, ni d'compassion. Ça t'suce l'amour jusqu'à la fin. Ton bien vital. Quand ça te r'trouve foutue, à sentir la vie en toi partir, ça t'abandonne, ça te méprise, ça t'lâche dans l'vide. 

Un homme méchant, ça impose, ça sème la terreur, ça réclame c'que ça donne pas. Avec fureur. Ça peut voler ton âme et la détruire. 

Un homme méchant, ça peut tuer les femmes... puis les enfants. 

© Lucie Delarosbil, 2003

Ce texte a été écrit en septembre 2003, publié en 2006 à Paspébiac, dans le recueil de textes littéraires Raconte-moi une histoire.

Publié dans Monologue, Violence

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article